Suite à la signature d’une Convention programme établie avec l’Agence française de développement(AFD) en 2019, le Gret a engagé une réflexion sur l’approche par les communs dans une douzaine de ses projets. Nous vous avons présenté tout au long de l’année ces différents projets, portant sur une variété de thématiques. Pour conclure cette série, le projet N’toto na mavimpi (terre et santé), au Congo.
Depuis 2012, le Gret accompagne la mairie de Dolisie, troisième ville du Congo, dans la mise en œuvre de réponses concrètes liées à la gestion des déchets à travers les projets Promaiss et Gicod. Ces réalisations ont permis de mettre en place un service de collecte des déchets, ainsi qu’une unité de compostage des déchets organiques et de recyclage des déchets plastiques. Au terme de ces projets, le service était opérationnel et géré par la Mairie, mais un travail sur la gouvernance semblait important afin de garantir l’appropriation et la durabilité du service, objectifs de ce projet N’toto Na Mavimpi, lancé en 2019.
En effet, la réalisation d’un diagnostic participatif avec les différents acteur·rice·s de la gestion des déchets a été la porte d’entrée dans l’implémentation d’une approche par les communs. Plusieurs outils ont été utilisés pour réaliser ce diagnostic participatif comme les réunions d’échanges, les focus group, les entretiens individuels et collectifs, les réunions de concertation, qui ont permis d’affiner la démarche en identifiant les intentions et opinions de chaque type d’acteur·rice·s. Chaque groupe s’est focalisé sur l’identification des points forts et points faibles des actions engagées, et un travail de consolidation des informations recueillies dans les quartiers a été effectué afin de clarifier les rôles et responsabilités de chacun·e dans une gestion commune du service. Des réunions de concertation pluri-acteurs ont ensuite été organisées, dans le but de faciliter le processus d’apprentissage collectif des acteur·rice·s aux principes d’une gouvernance partagée qui leur corresponde.
Parallèlement à ces concertations au niveau des quartiers, des données de géolocalisation ont été recueillies afin de réaliser une carte numérique de la ville, outil nécessaire pour éradiquer les dépotoirs dans les différents quartiers couverts par le service de collecte. Cet outil permet aux opérateurs qui effectuent la collecte de planifier les opérations, d’avoir une idée du nombre de petits dépotoirs dans les circuits, et ainsi de s’organiser. La mise en place d’opérations communautaires de propreté dans les quartiers, soutenues par les opérateurs de pré-collecte (OPC) en collaboration avec les chefs de quartiers et la population, ont permis de faire émerger le sentiment d’une « propreté commune », de « construire un commun » ou de « faire communauté » autour du service.
L’accompagnement des différents acteur·rice·s de la chaîne s’articule essentiellement autour de la compréhension des rôles joués par chacun·e d’entre eux et de la complémentarité de leurs actions pour le développement et la pérennisation du service. D’où la prise de conscience des parties prenantes (Mairie, OPC, société civile, population, chefs de quartier, etc.), qui se sont engagées à clarifier en premier lieu les rôles et responsabilités de chacun·e, ainsi qu’à mettre en place deux espaces de dialogue afin de débattre et approfondir collectivement les réflexions sur les sujets liés au service. La mise en œuvre des évolutions décidées dans le cadre de l’apprentissage collectif par les acteur·rice·s constitue la première étape dans la construction d’une gouvernance plus horizontale pour la gestion du service.
Les acteur·rice·s du commun à Dolisie sont aujourd’hui à une étape d’apprentissage d’une gouvernance interne, qu’il faudra étendre avec le temps. Le projet N’toto Na Mavimpi accompagnera cette évolution ainsi que la pérennisation d’un service géré localement de manière inclusive.
Dans la facilitation du processus d’apprentissage collectif, l’équipe du projet s’est interrogée au fil de l’exercice sur le paradoxe méthodologique qui peut se lire entre l’approche par les communs de nature flexible, plus ouverte à la créativité, à la recherche, et l’approche cadre logique qui nous plonge dans une espèce de confort illusoire, du conformisme, des certitudes presque établies, de l’acquis, des schémas déjà définis et/ou prédéfinis, ennemis de l’innovation. Très modestement, nous pensons que le défi pour le programme des communs est d’aller vers l’inconnu, de sortir des sentiers battus, d’imaginer et d’explorer des nouvelles formes de développement, des nouveaux espoirs face à l’avenir de plus en plus complexe, incertain, à l’instar des présents bouleversements du monde occasionnés par la crise sanitaire du Covid-19. Cette approche des communs ouvre ainsi à nos yeux des pistes vers « l’incertitude vertueuse ».