Changement climatique, crises multiformes, conflits : dans un monde instable, en proie à de nombreuses menaces, l’enjeu de l’insertion des jeunes dépasse aujourd’hui largement les questions économiques. Or, si la prise en compte des jeunesses est maintenant bien ancrée dans les politiques publiques, notamment en raison de leur poids démographique, ils et elles restent trop souvent considéré·e·s comme simples bénéficiaires d’actions visant uniquement à les éduquer et les amener vers l’emploi.
C’est de ce constat qu’est né, en 2020, le programme Jade – Jeunesses Actrices du Monde de Demain, financé par l’AFD. « Le Gret et ses partenaires renforcent depuis longtemps les systèmes de formation professionnelle et d’accompagnement à l’insertion, mais ils ont pris conscience, il y quelques années déjà, que cela ne pouvait suffire pour soutenir les jeunes dans leur transition vers la vie adulte », explique Camille Paquet, responsable de l’équipe Insertion et Emploi au Gret. « Il était indispensable d’opérer un changement dans nos modalités d’action pour favoriser une nouvelle vision des jeunesses et transformer leur place dans les projets, en les considérant comme acteurs et actrices de leur changement ».
Cette nouvelle vision supposait aussi d’accompagner les jeunes bien au-delà de l’insertion professionnelle : « Nous voulions sortir d’une approche très économico-centrée dont le seul objectif était que les jeunes accèdent à un emploi décent, pour penser une véritable insertion des jeunes dans la société », ajoute Camille Paquet. « Cela supposait de prendre en compte les volets social et citoyen, environnemental et climatique ».
L’approche du Gret repose sur deux piliers, qui vont de pair : celui d’une insertion dite « intégrale » des jeunes et celui du renforcement de leur pouvoir d’agir individuel et collectif. D’abord testée dans six pays (la Guinée, Haïti, le Congo, la Mauritanie, le Mali et le Sénégal), elle s’étend désormais à Madagascar, au Vietnam, au Cambodge et au Myanmar.
Toutes les dimensions de l’insertion
Les dispositifs mis en place par le Gret dans le cadre de ses projets intègrent désormais les autres dimensions de l’intégration des jeunes. Ils doivent leur permettre d’accéder aux informations pertinentes pour prendre des décisions éclairées, renforcer leurs capacités techniques mais aussi leurs soft skills, et prendre en compte les enjeux transversaux auxquels ils et elles sont confronté·e·s : les transitions sociale, économique, écologique, politique et citoyenne, numérique et technologique.
Au Congo, par exemple, où la filière des déchets est identifiée comme une opportunité économique durable s’inscrivant dans la transition écologique du pays, des jeunes sont formés par le Gret au métier d’opérateur de pré-collecte mais également amenés à mettre en place des actions pour sensibiliser les communautés à la question du tri. Un accompagnement qui, au-delà de l’apprentissage d’un métier, aide les jeunes à se projeter dans l’avenir, comme pour Eunoch Likamela, formé dans le cadre du projet : « Je veux créer une entreprise basée sur la collecte des déchets », confie-t-il. « Pourquoi ne pas parler de moi comme un entrepreneur au Congo ? ».
Jeunesses et pouvoir d’agir
Cette capacité à se projeter dans l’avenir, passe aussi par la place que prennent les jeunes comme acteurs sociaux et écocitoyens de leurs territoires.
« Il faut accompagner les jeunesses à prendre conscience qu’elles ont des rôles et des partitions à jouer au sein des territoires », martèle Khady Diatta. Cheffe du projet « Jeunes reporters citoyens » au Gret Sénégal, elle accompagne, dans la banlieue de Dakar, la formation d’un réseau de jeunes reporters afin de renforcer leur engagement et leur impact au sein de la société. « Avec ce projet, les jeunes deviennent des acteurs incontestés dans leurs communautés, ils renforcent leur pouvoir d’agir ».
En Guinée forestière aussi, où les enjeux environnementaux sont nombreux, le Gret favorise l’engagement des jeunes en renforçant leurs capacités d’analyse sur ces questions et leur engagement au travers d’initiatives citoyennes individuelles et collectives au service de l’environnement.
Dans une approche transformative de l’insertion, la question du genre et de l’empowerment des jeunes femmes a, elle aussi, une place fondamentale. Au Vietnam, le Gret accompagne des jeunes femmes venues des zones rurales pour travailler dans des usines de la province de Quảng Nam afin qu’elles se forment aux outils numériques pour acquérir des compétences techniques mais aussi sociales.
Les jeunesses : une thématique transversale
La prise en compte et l’intégration de la thématique des jeunesses dans l’ensemble des projets du Gret et dans les orientations stratégiques de l’organisation est aussi un objectif important de la deuxième phase du programme Jade.
Des formations sont dispensées aux équipes pour une meilleure compréhension de la thématique, mais aussi afin de favoriser les bonnes pratiques pour l’intégration de la composante jeunesse à toutes les étapes d’un projet.
Des diagnostics internes ont été organisés avec le Consortium Jeunesse Sénégal, partenaire du Gret, pour évaluer le degré de prise en compte des jeunes sur différents axes : gouvernance, programmes, projets, achats, partenariats, communication. Ils ont été conduits par un « bureau des jeunes », composé de jeunes salarié·e·s également chargé·e·s d’élaborer une stratégie au service de l’ensemble de l’organisation. « Les jeunes peuvent insuffler de nouvelles perspectives sur notre façon de travailler mais, trop souvent, les idées qui émergent sont freinées par le sentiment de ne pas avoir assez de légitimité », indique Anne-Florie Quesnel, chargée d’appui Insertion et Emploi au Gret. « Cette démarche permettra sûrement de lever des blocages ».
Le Gret explore aussi de nouvelles thématiques transversales appliquées aux jeunesses. Au Niger, par exemple, ses équipes ont travaillé sur la question de l’enregistrement des naissances, un enjeu crucial pour l’avenir des jeunes dans ce pays. Le projet lancé par le Gret inclut directement les jeunes dans l’élaboration et la mise en œuvre de solutions. Un projet pour et par les jeunes, en capacité de prendre leur place et d’agir, très concrètement, pour leur présent et leur futur.