Au Vietnam comme ailleurs, la protection des espaces naturels est souvent favorisée par l’implication totale et inclusive des populations locales, dépendantes tant des ressources naturelles que de leur conservation. Dans cette perspective, le Vietnam se classe 13e au niveau mondial en matière de risque climatique, avec 326 millions de tonnes de CO₂ émises en 2021, tandis que les groupes ethniques minoritaires représentent 73 % de la pauvreté totale du pays.
Afin d’atteindre l’objectif 15 du développement durable de l’Agenda 2030 et de promouvoir plus de justice sociale et de moyens d’action pour les plus vulnérables, le Gret mène un projet de protection et de gestion inclusive de la réserve naturelle de Pu Luong, favorisant la protection du bien commun que constitue cet espace naturel, tout en améliorant les conditions de vie des femmes issues des minorités ethniques.
Malgré des évolutions positives de la législation ces dernières années, les femmes vietnamiennes, et en particulier les femmes issues de minorités ethniques, sont encore confrontées à des comportements discriminatoires et à de nombreuses difficultés dans leur vie quotidienne : pauvreté, accès limité à l’enseignement supérieur et aux possibilités d’emploi notamment. Une partie de ces femmes vit au sein de réserves naturelles ou dans leur périphérie, comme celle de Pu Luong (17 662 ha), située dans la province de Thanh Hoa, au centre-nord du Vietnam. Celle-ci abrite d’importantes forêts en cours de restauration écologique, une riche biodiversité, et protège les bassins de drainage de la rivière Ma.
Cette phase s’est déroulée de 2021 à 2024.La transition d’un accès aux espaces naturels auparavant gérés par les communautés à un strict contrôle par le gouvernement augmente la vulnérabilité et la marginalisation des personnes les plus pauvres. En effet, les communautés locales possèdent peu – ou pas – de terres agricoles et vivent principalement de l’élevage et des produits forestiers qui représentent jusqu’à 60 à 80 % de leurs revenus. Les femmes issues des minorités sont particulièrement concernées car les hommes bénéficient d’opportunités professionnelles en dehors du secteur agricole, localement ou dans d’autres régions. Les femmes, traditionnellement responsables de la subsistance du ménage, sont le plus souvent assignées au foyer. En raison des normes culturelles et des préjugés liés au genre, elles ont un accès et un contrôle moindre sur les ressources naturelles. Au Vietnam, environ 38 % des femmes et 62 % des hommes possèdent des certificats de droit d’utilisation des terres ; celles-ci sont donc rarement pleinement intégrées dans les décisions relatives à la gestion des ressources.
C’est dans ce contexte que la Coopérative de développement rural de Quan Hoa (RDC) et le Gret lancent le projet Pu Luong, soutenu par les Fondation Audemars Piguet et RAJA – Danièle Macovici. L’objectif est d’améliorer les conditions de vie et l’empowerment économique des femmes issues des minorités ethniques Thai et Muong, et de garantir une gestion inclusive et durable des forêts dans les espaces protégés et les zones tampons de la réserve naturelle de Pu Luong. Pour Susan Simmons Lagreau, secrétaire générale de la Fondation Audemars Piguet, ce projet « s’inscrit parfaitement dans notre philosophie visant à favoriser des cercles vertueux entre les êtres humains et la nature. Il combine la sauvegarde des écosystèmes avec la mise en place de chaînes de valeurs permettant aux habitants, et en particulier les femmes, de vivre durablement dans, avec et de par leur environnement ».
Afin de promouvoir les activités communautaires liées au tourisme et un partage équitable des bénéfices, tout en préservant les forêts, le projet prévoit :
Au total, ce sont ainsi 6 770 femmes issues de minorités Thai and Muong (51 % de la population) vivant dans les 31 villages situés dans la réserve et les zones tampons alentour qui seront accompagnées. 70 personnes représentant les autorités locales et les autorités de gestion de la réserve seront également impliquées, et 20000 personnes venant visiter la réserve seront sensibilisées.
La phase 1 du projet a été appuyée par les Fondations Audemars Piguet, la Fondation Raja – Danièle Marcovici, la Fondation Alstom et Miravita.
Le projet mené par le Gret au Vietnam a obtenu des résultats notables en matière de protection des forêts et d’autonomisation économique des femmes issues de minorités ethniques. Il a aussi permis d’améliorer le pouvoir d’action des communautés concernant l’usage des ressources naturelles de la réserve de Pu Luong et de renforcer le rôle social des femmes au sein des villages.
L’une des principales réalisations est le développement d’un modèle pilote de partage des bénéfices lié à la gestion forestière, impliquant activement les communautés locales et les femmes (57 % de participation en moyenne).
Le projet a également favorisé l’autonomisation des femmes en créant 7 groupes coopératifs féminins, regroupant un total de 237 membres, devenus des espaces d’action collective et de renforcement des compétences. Ces groupes ont facilité l’amélioration continue de la qualité des services (hébergement chez l’habitant, taxis motorisés, produits agricoles comme le riz et le canard) et le partage des ressources entre différentes activités, tels que les performances artistiques et les services de taxis motorisés. La collaboration entre ces groupes a renforcé les réseaux entre les villages, notamment dans les domaines du tourisme et de l’agriculture.
Indirectement, le projet a touché :
Globalement, le projet a contribué à une réduction de 56 % des cas d’empiétement sur les forêts depuis le début du projet, démontrant ainsi son impact positif sur la conservation et les moyens de subsistance des populations locales.
Avant le projet, les services de transport à moto dans le village de Kho Muong étaient désorganisés, ce qui entraînait des conflits, de l’insatisfaction chez les clients et une participation limitée des femmes. Début 2022, le projet a permis de former un groupe structuré composé uniquement de femmes, qui a ensuite été élargi pour inclure des hommes sous la direction de femmes. Avec l’appui du Gret, le groupe a mis en place une gestion claire, une grille tarifaire, une répartition des rôles et des formations. Résultat : la qualité du service et les revenus — en particulier ceux des femmes — se sont nettement améliorés. Le groupe est passé à 96 membres, dont 30 femmes, et nombre d’entre eux proposent désormais leurs services sur d’autres sites touristiques ou travaillent comme guides.
L’histoire de HA THI DU dans le village de Co Lung
Mme Du, dont la famille dépend en partie de l’élevage de canards, faisait auparavant face à un taux de mortalité élevé chez les canetons et à des ventes lentes, rendant son activité peu rentable. Grâce au soutien du projet Pu Luong, elle a amélioré ses techniques d’élevage, réduisant la mortalité des canards à 3–5 % et facilitant la commercialisation. Elle gère désormais son élevage en fonction de son budget et vend à une large gamme de clients, y compris des touristes. Son succès a incité sa famille à envisager d’autres activités d’élevage, et a eu un impact positif dans sa communauté en encourageant des pratiques de production efficaces et tournées vers le marché.
Cette phase se déroulera de 2025 à 2028.
Le projet vise à intégrer les considérations liées à la biodiversité et au changement climatique (CC) dans les stratégies touristiques locales de la réserve naturelle de Pu Luong. À travers des études participatives et une approche sensible au genre, il soutient l’élaboration de politiques et de plateformes multipartites qui placent la protection de l’environnement au centre des priorités. Trois documents officiels viendront encadrer le tourisme durable, au bénéfice de plus de 5 700 personnes issues des minorités ethniques. Par ailleurs, 20 accords inclusifs de partage des bénéfices seront mis en œuvre, améliorant l’accès aux ressources naturelles et renforçant la capacité des communautés vulnérables — en particulier les femmes — à participer à la protection des forêts et à la conservation de la biodiversité. Ces initiatives garantissent l’inclusion des voix locales dans l’élaboration des politiques et l’intégration des enjeux de biodiversité et de climat dans les plans touristiques du district.
Le deuxième volet du projet porte sur le renforcement des activités économiques des femmes liées au développement durable. Des études de marché et de genre permettront de structurer des filières agroécologiques et touristiques. Quatorze produits ou services seront améliorés ou développés, sous l’impulsion de plus de 700 femmes issues des minorités Thai et Muong. Des coopératives dirigées par des femmes seront créées pour consolider les services de tourisme communautaire et la production agro-forestière, tout en améliorant les pratiques agricoles et en encourageant la récolte durable des produits forestiers non ligneux (PFNL). Ces actions visent à augmenter les revenus des femmes et à renforcer leur participation à un tourisme respectueux de l’environnement dans les zones tampons de la réserve.
Le troisième axe du projet vise à renforcer les capacités des femmes issues des minorités ethniques à promouvoir des pratiques respectueuses de l’environnement et sensibles au genre. Un réseau de 55 leaders environnementaux villageois, dont 70 % de femmes, sera mis en place pour mener des actions de sensibilisation communautaire sur la biodiversité et le changement climatique. Environ 4 000 habitant·es adopteront des pratiques environnementales améliorées. Le projet soutiendra des campagnes de communication sur la protection des forêts, l’égalité de genre et le tourisme responsable, en parallèle d’initiatives comme l’amélioration de la gestion des déchets solides et la mise en place d’options d’économie circulaire pour réduire la dégradation environnementale et les impacts négatifs sur la réserve naturelle.
Enfin, un système de certification “Label Vert” sera développé pour encourager une production et une consommation responsables dans le cadre du tourisme communautaire. Le projet expérimentera ce label dans deux villages du district de Ba Thuoc, en impliquant 360 femmes villageoises et les autorités locales. Le Label Vert, adossé à des directives de district et à un dispositif participatif de suivi, renforcera la compétitivité touristique tout en préservant la biodiversité. Des études de faisabilité et des formations aideront les autorités locales à mettre en œuvre le système, qui sera promu comme modèle réplicable dans d’autres zones. À travers l’ensemble de ces actions, le projet contribue au développement d’un tourisme écologique et à l’ancrage des principes de durabilité dans la planification territoriale au niveau du district.
Partenaires opérationnels de la phase 2