Depuis 2019, le Gret s’engage activement dans la région de Saint-Louis au Sénégal, avec pour mission de renforcer la participation des usagers et usagères dans la gestion des services d’eau potable. En adoptant une approche novatrice basée sur les communs, les équipes contribuent à faire émerger des mécanismes de prise de décision concertée pour assurer le bon fonctionnement des services d’eau dans la région.
Le Sénégal a connu une série de réformes concernant la gestion au cours des trente dernières années. Depuis la fin des années 1990, les services d’eau potable étaient sous la responsabilité des Associations d’usagers de forages ruraux, ou de réseaux d’eau potable (ASUFOR ou ASUREP). Toutefois, au nom d’une gestion plus efficace, l’État a opté en 2014 pour une délégation du service public d’eau potable à des opérateurs privés internationaux. Le territoire est divisé en zones de délégation. L’État, à travers l’Office National des Forages Ruraux (OFOR) créé à cette occasion, a centralisé la gestion de l’hydraulique rurale au Sénégal. Cette délégation de services publics a engendré une perte d’influence des usager∙e∙s sur les décisions concernant la gestion de l’eau. Cela a suscité une défiance de la part de la population vis-à-vis de l et de l’opérateur. De vives contestations ont amené l’État à suspendre la réforme et à une évaluation externe.
Le territoire du Gorom-Lampsar a été choisi comme zone pilote de délégation de service public. Il est constitué de 13 unités de potabilisation et de traitement d’eau raccordées aux réseaux de plusieurs villages alimentant plus de 70 000 habitant∙e∙s dans la région de Saint-Louis au Sénégal.
Depuis la réforme, les usagers et usagères de l’eau du Gorom-Lampsar pointent une détérioration du service : baisse de la qualité de l’eau, interruptions fréquentes du service, manque de transparence sur la facturation et les investissements réalisés par l’opérateur. Le manque de dialogue entre les usager∙e∙s, l’Office des forages et l’opérateur privé est la principale source d’insatisfaction générale des populations.
Dans ce contexte de blocage et de rupture du dialogue sur l’avenir des services d’eau potable, l’équipe du Gret a mobilisé une approche par les communs. Il s’agit en particulier d’associer les usager∙e∙s au suivi du service, et de leur redonner une voix dans les prises de décision le concernant.
Pour le Gret, les communs sont une source d’inspiration intéressante pour repenser la gouvernance d’un service essentiel. Ils correspondent en effet à un mode d’organisation sociale dynamique, dans laquelle un ensemble d’acteurs, interdépendants et directement concernés par un enjeu commun, s’engagent dans une action collective pour construire une gouvernance partagée, à la recherche d’un équilibre des pouvoirs et des intérêts. C’est-à-dire que chacun des acteurs concernés, notamment les citoyen·ne·s, mais aussi les secteurs public et privé, a un rôle dans les prises de décision et le contrôle de leur application.
En appuyant la mobilisation des organisations d’usager∙e∙s aux côtés des pouvoirs publics et du secteur privé, l’approche par les communs doit favoriser l’émergence d’espaces de dialogue multi-acteurs, contribuant à des prises de décision concertées pour le bon fonctionnement des services d’eau potable.
Ainsi, grâce à cette approche innovante, la gestion de l’eau potable au Sénégal semble prendre un tournant vers une participation accrue des usager∙e∙s et une gouvernance partagée, offrant des perspectives prometteuses pour l’avenir.
En savoir + :
Ecoutez les épisodes du podcast Agir en commun sur la plateforme de votre choix