La situation sécuritaire à laquelle fait face le Burkina Faso impacte significativement les conditions de vie des populations dans certaines régions du pays. Plusieurs villes sont confrontées à l’arrivée massive des populations déplacées internes des zones les plus touchées par l’insécurité. Ces populations s’installent majoritairement dans les centres urbains des régions de l’Est, du Nord, du Centre-Nord et du Sahel qui font face à une augmentation considérable de la demande vis-à-vis des services d’approvisionnement en eau potable, assurés par l’Office national de l’Eau et de l’Assainissement, les communes et le ministère de l’Eau et de l’Assainissement. Pour accompagner le gouvernement burkinabè à relever ce défi, le Gret et ses partenaires, l’Office Nationale de l’Eau et de l’Assainissement (ONEA), Solidarités International et le Groupe URD, ont initié le projet Nex’Eau, avec l’appui de l’Agence française pour le développement (AFD) et USAID.
Entretien avec Richard Bassono, responsable du projet au Gret Burkina Faso.
Dans quel contexte est né le projet Nex’Eau ?
La problématique du projet Nex’Eau a émergé des difficultés que connaissent les services publics d’eau potable dans le contexte de crise sécuritaire et humanitaire. L’équation entre une augmentation exponentielle du nombre de personnes déplacées entre fin janvier 2019 et février 2020 – passant de 87 000 à 765 517 sur tout le territoire du Burkina Faso -, ainsi que l’installation de la plupart de ces personnes dans les centres urbains, ont entrainé une pression intenable sur les services d’approvisionnement en eau alors même que l’accès à l’eau était déjà une problématique forte avant la crise.
En outre, lors du montage de projet, les problèmes sécuritaires avaient déjà conduit à l’abandon complet des services d’approvisionnement en eau par l’ONEA dans certains centres. Ce qui se jouait alors, c’était le risque d’un effondrement complet des services d’eau et d’assainissement et la diminution du taux d’accès à l’eau potable des populations, en raison de la précarité croissante et des difficultés sociales. Les interventions humanitaires s’étaient par ailleurs multipliées, principalement par des constructions ou des réhabilitations de forages, des approvisionnements en camion-citerne. Mais, malgré ce travail, la coordination entre les acteurs humanitaires eux-mêmes et avec les acteurs des services publics en eau, apparaissait encore insuffisante et conduisait parfois à des incohérences.
Quels sont ses objectifs ?
Dans ce contexte, l’approche Nexus[1] a donc été identifiée comme un moyen d’apporter des réponses à une situation complexe et volatile qui ne pouvait pas relever uniquement de l’humanitaire ou du développement. A la place, il est apparu nécessaire d’appuyer les services publics d’eau potable, en traitant les questions de développement et de besoins structurels, tout en étant suffisamment flexibles pour répondre aux urgences et en apprenant à mieux anticiper les risques. Le projet Nex’Eau cherchait donc à répondre à la problématique suivante : comment améliorer la résilience des services publics d’eau potable face à l’afflux des déplacés dans les principaux centres urbains et communes d’accueil, dans un contexte de forte insécurité ?
Concrètement, le projet cherche, dans ce contexte, à renforcer l’ONEA et les communes dans leurs capacités à maintenir les services de l’eau. Il vise aussi à renforcer les performances des services publics d’eau potable en termes de couverture, d’organisation, de gestion et de suivi technique, financier et commercial. Les méthodologies développées et les leçons apprises sont ensuite capitalisées et diffusées afin d’être répliquées.
Comment se fait la collaboration entre les acteurs de la mise en œuvre ?
Le projet Nex’Eau est né de l’hypothèse qu’un renforcement de la résilience des services publics d’eau potable en contexte de crise au Burkina Faso, requérait l’appui d’un consortium mixte d’humanitaires et d’acteurs du développement, associant judicieusement leurs méthodes d’interventions et leurs actions.
Solidarités International, ONG humanitaire, assure le lead du consortium, conduit les actions humanitaires et la réalisation des ouvrages d’eau potable structurants. Le Gret s’occupe pour sa part des relations avec les institutions, des aspects de gouvernance du projet et des services publics d’eau potable, du renforcement des capacités et de l’ingénierie sociale. Le fait que le Gret bénéficie d’une solide équipe à Ouagadougou et de trois agents basés à Ouahigouya et à Kongoussi, a beaucoup favorisé la collaboration. Enfin, le groupe URD, met son expertise au service de l’évaluation et de la capitalisation, ainsi que de la recherche-action.
Compte tenu du périmètre géographique d’intervention et de son importance dans l’accès à l’eau potable, l’ONEA constitue le premier partenaire clé du projet. Il a donc été nécessaire de signer un accord de partenariat entre le consortium et l’ONEA, notamment pour définir le système de gouvernance du projet. Les partenaires techniques et financiers, l’AFD et USAID, ont par ailleurs contribué à la construction de ce programme et apportent une contribution technique continue à ce projet, en plus de leur soutien financier (3,5M€ pour l’AFD et 2,25M$ pour USAID).
En savoir plus :
[1] L’approche Nexus qui lie aide humanitaire, développement et consolidation de la paix entend répondre au constat d’une multiplication des crises et des déplacements de populations sur des temps prolongés.