Après la chute du régime des Khmers rouges, les années 1990 ont marqué l’ouverture économique et politique du Cambodge, avec une reconstruction du système de santé. L’espérance de vie a augmenté de 55 ans en 1990 à 75 ans en 2022, mais des défis en santé persistent. De son côté, le financement public des soins de santé reste bas à 1,4 % du PIB en 2017, avec une forte contribution des usagers (62 %) comparée à celle de l’État (23,8 %). La majorité des infrastructures et des professionnels de santé se concentrent en ville malgré une population majoritairement rurale. Le système de santé cambodgien doit relever deux défis majeurs : garantir l’accès équitable aux services de santé à ses usagers et améliorer la qualité des soins.
C’est dans ce contexte, que depuis la fin des années 90, le Gret apporte un soutien technique au Cambodge pour tester des politiques d’assurance santé adaptées, par exemple au monde rural avec la création d’un programme d’assurance santé communautaire (projet de micro-assurance santé Sky) et la mise en place d’un système d’assurance obligatoire dans le secteur formel textile (projet HIP d’assurance santé, financé par l’AFD en partenariat avec la sécurité sociale cambodgienne, le NSSF). Ces initiatives ont été progressivement transférées aux autorités locales ou à des opérateurs locaux soutenus par des subventions.
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Avec le projet Spin[1], le Gret accompagne le NSSF dans le déploiement d’un projet pilote d’extension de l’assurance maladie au secteur informel. Car au Cambodge, sur une population active de 7,9 millions de personnes, on estime que 6,1 millions travaillent dans le secteur informel[1]. Avec Spin, le soutien du Gret ne repose plus sur la maitrise des outils et dispositifs, mais plutôt sur du conseil stratégique et de l’accompagnement à la mise en place d’activités visant à maximiser la couverture santé des populations vulnérables tout en garantissant un apprentissage du pilote. Dans ce contexte, Spin, initié fin 2018, cible dans un premier temps deux populations particulièrement vulnérables et difficiles à atteindre : les chauffeurs de Tuk-tuk et les personnels de maison. Ce système permet par exemple aux chauffeurs de Tuk-tuk, moyennant une cotisation de moins de 4 euros par mois, d’accéder, entre autres, aux services de soins ambulatoires et d’hospitalisation, de maternité et d’urgence.
« Je gagne à peine de quoi joindre les deux bouts, et je n’ai parfois pas eu assez d’argent pour me payer des traitements médicaux… Je gagne entre 30 000 et 50 000 riels par jour (entre 7 et 10 euros environ). L’accès à la sécurité sociale me permet aujourd’hui d’économiser un peu d’argent si je tombe malade. Si je n’y avais pas accès, je perdrais tout l’argent que j’ai gagné et ce ne serait même pas suffisant pour couvrir les dépenses. Moi-même et tous ceux qui travaillent dans le secteur informel ou en tant qu’indépendants, sommes heureux de pouvoir accéder aux services de santé… Nous avons longtemps espéré devenir membres du NSSF. »
Phy Samoul, chauffeur de tuk-tuk à Phnom Penh
[1] Social Protection Innovation for the informal sector