Urbayiti
Faire commun autour des marches de Port-au-Prince
Projet de terrain
Haïti

A Port-au-Prince, les marchés ne sont pas seulement des lieux incontournables pour la fourniture de produits de base. Plus que des moteurs économiques, ils constituent des espaces de socialisation dans la capitale haïtienne. Même en période de crises multiples, les acteurs et actrices qui composent ces marchés parviennent à s’engager dans des formes d’actions collectives. Depuis 2019, le Gret accompagne une dynamique de « faire commun » autour de ces lieux.

Les marchés de Port-au-Prince : des espaces vitaux, « amortisseurs » de crise

« Vivre dans un pays non viable[1] » : Haïti fait face à une nouvelle crise systémique depuis 2018, marquée par une dégradation drastique des conditions de vie de ses habitant∙e∙s et un climat d’insécurité jamais atteint jusqu’alors. Le fonctionnement de l’Etat est particulièrement impacté, de même que les activités économiques et la libre circulation des biens et des personnes.

En réaction, la société tend à se fracturer, entre isolement des territoires et morcellement du tissu social. C’est un sentiment de défiance, voire d’abandon, qui prévaut pour une population dont les vulnérabilités ne cessent de croître.

Espaces emblématiques et organes économiques centraux de la vie communautaire, les marchés structurent l’espace urbain de la capitale haïtienne. Ils sont réputés « amortisseurs de crise », délivrant un accès quotidien aux denrées de première nécessité pour les foyers modestes, et générant quantité d’emplois informels de proximité. Sorte de « ville dans la ville », ils sont également des lieux d’intenses échanges et de socialisation – ce qui peut en outre les amener à être instrumentalisés lors des luttes politiques locales.

Les marchés n’échappent cependant pas à la dégradation du contexte économique et sécuritaire qui restreint leur fonction de soutien aux petites et moyennes bourses dans ces périodes de chocs multiples. Les conditions de travail des marchandes (80% sont des femmes) sont de plus en plus périlleuses : elles doivent composer avec l’inflation, des difficultés d’approvisionnement et d’accès aux services essentiels de base, et subissent intimidations et pressions de la part des bandes armées.

Unique maillon organisé de la société civile au sein des marchés et embryon de contre-pouvoir, les associations de marchandes tentent de défendre leurs intérêts mais témoignent de difficultés pour concrétiser leur plaidoyer.

[1] Titre de l’éditorial du journaliste haïtien Frantz Duval publié dans le quotidien haïtien Le Nouvelliste, 7 juillet 2020.

L’expérience d’une gouvernance partagée autour de l’accès aux services dans les marchés : ensemble, on peut !

Depuis quatre ans, le Gret intervient dans trois marchés de Port-au-Prince (Salomon, Canapé Vert et Ravine Pintade) auprès des acteurs et actrices de ces marchés dans un processus de renforcement de compétences et de capacité d’agir. Initialement axé sur l’amélioration de la gestion des déchets, l’équipe a rapidement élargi le périmètre du projet à d’autres sujets de préoccupation identifiés par les acteurs au cours d’un diagnostic, tels que l’accès à l’eau, l’assainissement et le drainage ou l’électricité.

L’équipe a adopté un positionnement d’intermédiation sociale entre les acteurs clés des marchés (associations de marchandes, directeurs des marchés, marchandes influentes, personnes en support à la vente, travailleurs informels, services techniques de la mairie) et soutenu l’émergence d’une forme de gouvernance partagée au sein d’un cadre de concertation et de réflexion. Cette approche permet de (ré)apprendre à « faire ensemble » autour d’intérêts communs, tout en libérant la parole de celles et ceux qui sont habituellement exclus des décisions (femmes, travailleurs informels stigmatisés) et en encourageant la prise de responsabilité de toutes et tous dans la gestion des équipements et services des marchés.

Afin de répondre à ces multiples défis, l’approche par les communs est appliquée depuis 2022 pour renforcer la vision partagée et la participation citoyenne. Pour le Gret, les communs correspondent à une dynamique : c’est la façon dont un groupe d’individus s’organise pour préserver des biens communs dont ils dépendent. L’expérience du Gret démontre que cette approche est pertinente y compris dans un contexte de crise, et constitue un puissant levier d’évolution des rapports sociaux et de pouvoir au sein des marchés. Elle renforce les liens entre acteurs et leur redonne confiance dans leurs capacités d’action collective.

Les enjeux du « faire commun » autour des marchés de Port-au-Prince

  • Contribuer à rééquilibrer les rapports de pouvoir entre les acteurs clés des marchés de Port-au-Prince
  • Renforcer les associations de marchandes de Port-au-Prince, en lien avec les autres acteurs, dans leur capacité à participer à la société civile et à la gouvernance des marchés
  • Améliorer la gouvernance des marchés en termes d’inclusion, de cohésion et de concertation
  • Renforcer la résistance des marchés de Port-au-Prince aux chocs du fait des services, équipements et stratégies développées par les acteurs clés.

Les prochaines étapes

  • Poursuivre l’accompagnement des dynamiques impulsées par les acteurs autour de l’accès aux services essentiels dans les marchés Salomon, Canapé Vert et Ravine Pintade
  • Explorer un nouveau sujet d’intérêt commun pour les acteurs : la cuisson propre dans ces trois marchés
  • Étendre l’initiative à d’autres marchés de la région métropolitaine, et stimuler des synergies entre les différentes actions collectives qui y seront menées

Ce programme fait partie du programme Urbayiti de l’Etat Haïtien, cofinancé par l’Union européenne.

Projet en cours
Date de début 06/08/2019 date de fin 31/05/2025
Contact projet :
Estelle Grandidier
Partenaires du projet