19 septembre 2023
Ressources naturelles Changement climatique France

Face à l’urgence climatique, le secteur de la solidarité internationale se réinvente

Face à l'urgence climatique, le secteurs de la solidarité internationale se réinvente.

À l’occasion du Sommet sur l’ambition climatique qui s’est tenu le 20 septembre 2023 au siège des Nations unies à New York, le Secrétaire général de l’ONU a appelé les gouvernements, les entreprises, la finance, les autorités locales et la société civile à accélérer l’action internationale. En France, les ONG de solidarité internationale se mettent en ordre de marche pour contribuer à l’effort collectif mondial.

Entretien avec Guillaume Quelin, responsable climat au Gret et chef de file de la Commission climat et développement de Coordination Sud, sur les défis qui se posent pour le secteur.

Comment les ONG de solidarité internationale en France s’organisent-elles pour assurer la continuité de leur mission d’intérêt général tout en contribuant à la sobriété ?

Il y a ce chiffre effrayant récemment mis en avant par Valérie Masson-Delmotte, paléontologue et co-présidente du groupe 1 du GIEC : 1 kg de CO2 émis dans l’atmosphère entraîne à terme la fonte de 15 kg de glacier. Face à l’urgence climatique, chacun∙e – entreprise, citoyen, ONG, … – doit faire sa part, à son échelle. Le secteur de la solidarité internationale en France est lui aussi obligé de se réinventer et de changer sa manière de travailler.

Dans le cadre de la Commission climat et développement de Coordination Sud, le Gret a mené une étude « située » portant sur 33 organisations de solidarité internationale, permettant d’offrir un aperçu des dynamiques en cours. On constate une très nette accélération des démarches de transition climatique depuis 2019 : sur l’ensemble des organisations interrogées, une seule ONG avait initié des démarches pour réduire son empreinte carbone et son impact sur le terrain en 1998, cinq en 2018. En 2023, elles sont désormais plus de 23 à le faire, même si le stade d’avancement en termes de stratégie et d’actions varie.

Le secteur s’interroge et travaille ensemble sur ces questions qui nécessitent encore d’être approfondies. Il y a aujourd’hui trois grand défis à relever : il s’agit d’abord de mieux faire reconnaitre et de financer ces démarches. Il est également nécessaire de s’attaquer à la source principale des émissions : le recours aux déplacements en avion dans le cadre de nos modes d’intervention et de nos partenariats. Il faut enfin ouvrir plus largement ces réflexions à nos collègues et partenaires du Sud et à l’ensemble des partenaires de la coopération internationale.

Le Gret a lui-même adopté en 2022 une stratégie transition écologique innovante, où en est-il de sa mise en œuvre ?

Le Gret a en effet adopté sa propre stratégie, inspirée de l’Accord de Paris. Chaque site et chaque équipe fait tout son possible pour contribuer à deux objectifs collectifs ambitieux : réduire nos émissions de 50% en moyenne par membre du Gret d’ici à 2030 par rapport à 2020 et questionner systématiquement les enjeux de transition écologique dans les projets de l’organisation. Le Gret est également signataire de la déclaration d’engagement des organisations humanitaires sur le climat, une dynamique initiée parle Réseau Environnement Humanitaire.

Des actions se structurent au siège et dans nos représentations sur le terrain, à l’aide d’un réseau de référent∙e∙s. Lors de la dernière Assemblée générale début septembre, nous avons notamment pris des mesures à effet immédiat au sujet des déplacements en avion : l’interdiction des vols court courrier si une alternative sûre de moins de six heures est possible, et l’interdiction des vols avec escale s’il existe un vol direct.  Notre séminaire interne annuel ne se tiendra plus qu’une année sur deux en présentiel. Plus globalement, le Gret s’engage à réduire ses vols de 25% d’ici à 2025, et de 50% d’ici à 2030.

Les ONG ont également des leviers d’actions pour engager des transitions sur le terrain. Quels sont les enjeux et les défis à relever?

Nous savons que le changement climatique contribuera à creuser plus fortement encore les inégalités économiques et sociales. La réponse ne pourra pas venir uniquement de solutions techniques en réponses à des chocs à venir, comme la construction d’infrastructures et le recours au secteur privé.

L’adaptation au changement climatique demande en effet d’accompagner une transformation profonde des sociétés et des territoires, avec la participation des citoyen∙ne∙s. Des choix stratégiques doivent être faits sur le long terme et ils auront un impact sur le quotidien des personnes. L’adaptation nécessite aussi de questionner les inégalités sociales et économiques actuelles et de développer le pouvoir d’agir de chacun∙e. À ce titre, les organisations de la société civile ont un rôle essentiel à jouer, de l’accompagnement aux innovations sociales et techniques aux échanges entre communautés et territoires de différents continents. Et pourtant, elles se heurtent à un manque de financements.

En effet, si aujourd’hui les bailleurs réfléchissent de plus en plus à la contribution du secteur privé et des acteurs financiers (banques multilatérales, banques subnationales de développement, notamment), le rôle de la société civile reste encore trop souvent un impensé. Il serait pourtant intéressant de co-construire une réponse complémentaire avec l’ensemble de ces acteurs et de mettre en place des dispositifs de financement dédiés à l’adaptation portée par la société civile.


Lire aussi