Alors que le nombre de personnes souffrant d’insécurité alimentaire ne cesse d’augmenter, le Gret conduit depuis plus de cinq ans, dans le cadre du programme ASANAO, financé par l’AFD, une réflexion collective sur les passerelles à établir entre agriculture et nutrition pour une sécurité alimentaire durable.
Une démarche intégrée
Lancé d’abord dans cinq pays d’Afrique de l’Ouest (Le Burkina-Faso, la Guinée, la Mauritanie, le Niger et le Sénégal) puis étendu en Haïti, au Cambodge et à Madagascar, ce programme ambitieux part de la nécessité de renforcer une approche intégrée entre l’agriculture et la nutrition. « Nous avons constaté dans plusieurs pays que les politiques et programmes agricoles ne prenaient pas suffisamment en compte les enjeux alimentaires et nutritionnels des populations et qu’à l’inverse les actions dédiées à la nutrition ne s’appuyaient pas assez sur les filières et les systèmes de production locaux », explique Claire Costis, responsable de programme nutrition au Gret. « Il nous est apparu crucial, pour engager des changements, de traiter les enjeux de développement agricole, de sécurité alimentaire et nutrition dans une démarche intégrée ».
Faire travailler ensemble les acteurs de l’agriculture et de la nutrition
L’un des grands enjeux du programme est de parvenir à décloisonner les secteurs d’activités et créer des collaborations opérationnelles, à différentes échelles des territoires, avec l’ensemble des acteurs de l’agriculture et de la nutrition : organisations paysannes, services de l’Etat, collectivités et secteur privé locaux.
Le Gret s’attache ainsi à faire travailler ensemble acteurs de la santé communautaire et organisations paysannes pour qu’ils conduisent des actions conjointes de sensibilisation et d’échanges sur les liens entre la santé, l’alimentation et l’agriculture. Pour promouvoir des régimes alimentaires sains, il faut en effet à la fois prendre en compte les besoins nutritionnels spécifiques des membres de la famille – notamment des femmes et des jeunes enfants – et s’appuyer sur des changements de pratiques de production et de valorisation des produits locaux.
Le Gret encourage aussi la contractualisation entre acteurs locaux. Il met par exemple en relation des unités de production de farine infantiles fortifiées avec des groupements de producteurs : cela permet de garantir la qualité et la traçabilité des produits, tout en développant la production locale.
Intégrer l’approche multisectorielle dans les politiques publiques
Le Gret soutient la création d’espaces de dialogue associant les élus locaux, les organisations paysannes, les services déconcentrés de l’Etat, pour que cette approche soit intégrée dans les politiques locales. Au Sénégal et au Burkina Faso, il a conduit en ce sens un travail de formation des élus locaux et des services techniques de l’Etat.
Au niveau national, il soutient les activités menées par les organisations paysannes pour permettre à leurs leaders et leurs équipes de mieux prendre en compte les enjeux relatifs à la nutrition. « Les organisations paysannes sont souvent très engagées sur les questions de souveraineté alimentaire, du « consommer local » et de l’accompagnement des exploitations familiales, mais pas de façon spécifique sur les questions de nutrition », souligne Amel Benkahla, responsable de programme agriculture et alimentation durables au Gret. L’objectif est que ces sujets soient davantage portés dans leurs propres structures et que cela se traduise ensuite concrètement dans les actions auprès de leurs membres et le dialogue politique avec l’Etat.
Le Gret se positionne aussi parfois comme accompagnateur de la dissémination des politiques multisectorielles. Au Burkina Faso, il a joué un rôle d’information et de sensibilisation auprès des services techniques de l’Etat et d’élus locaux. Au Niger, il a été mandaté par le gouvernement comme facilitateur national pour animer les concertations multi-acteurs préalables au Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires en 2021.
Agir sur les facteurs de blocage politique
Le Gret porte aussi, au sein de coalitions plus larges, des propositions concrètes et travaille avec des Etats pour agir sur les facteurs de blocage au développement de systèmes alimentaires sains et durables. Il œuvre, par exemple, en faveur de l’évolution des politiques commerciales pour protéger certaines filières stratégiques en Afrique de l’Ouest, comme celle du lait local. Ou encore pour la création d’un environnement fiscal plus favorable pour les entreprises locales qui commercialisent des produits nutritionnels à des prix accessibles.
Les comportements des acteurs des chaînes d’approvisionnements et des consommateurs, qu’ils soient urbains ou ruraux, sont fortement conditionnés par l’environnement alimentaire. Agir sur les politiques et sur cet environnement est donc indispensable pour transformer durablement les systèmes alimentaires.
Le programme ASANAO, financé par l’Agence française de développement, a vocation à renforcer la réflexion sur la stratégie d’intervention du Gret et de ses partenaires en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle. Il s’appuie sur 8 projets, conduits dans 8 pays où le Gret et ses partenaires mènent des actions sur ces thématiques depuis des années. Il permet le financement d’actions transversales d’animation, d’échange, de production de connaissances sur les passerelles à établir entre agriculture et nutrition. Il développe également un plaidoyer au niveau national et international pour promouvoir des systèmes alimentaires sains et durables.