Face à l’insécurité alimentaire qui touche près de 30% de la population mondiale et au retard de croissance qui affecte 148 millions d’enfants de moins de cinq ans, le programme Asanao initié par le Gret en 2018, s’impose comme un levier efficace pour promouvoir une transition vers des systèmes alimentaires plus durables et capables de répondre aux besoins nutritionnels des populations. Les activités du programme, qui entre désormais dans sa troisième phase, se déroulent en Guinée, au Sénégal, en Mauritanie, à Madagascar, en Haïti et au Cambodge.
Travailler au plus proche des territoires
La troisième phase du programme Asanao (2024-2027), financée par l’Agence française de développement, consolide des approches éprouvées : l’intérêt, par exemple, de faire travailler ensemble les acteurs et actrices de l’agriculture, de la santé et de la nutrition pour qu’ils conduisent des actions conjointes de sensibilisation sur les liens entre santé, alimentation et agriculture.
« Ce travail, au plus proche des territoires, permet d’agir très concrètement sur l’environnement alimentaire à travers des actions de sensibilisation et de communication portées directement par les acteurs locaux -organisations paysannes, acteurs de la santé communautaire – pour l’amélioration des régimes alimentaires des familles, l’amélioration de l’accès du plus grand nombre à des produits locaux sains et nutritifs, ou encore la promotion de farines infantiles fortifiés pour les jeunes enfants produites par des unités de transformation locales », explique Amel Benkahla, responsable de programme agriculture et alimentation durables au Gret.
Pérenniser les acquis, ouvrir des nouvelles thématiques
L’une des ambitions majeures de la nouvelle phase du programme est d’assurer la pérennité des approches développées lors des phases précédentes pour un impact durable : promouvoir l’intérêt de l’alimentation scolaire saine et locale et l’importance du conseil agricole tenant compte des questions de nutrition, par exemple.
De nouvelles thématiques seront prises en compte dans cette nouvelle phase du programme : celle de la relation entre la malnutrition et les maladies non transmissibles[1] ou encore autour du concept des régimes alimentaires sains et durables, c’est-à-dire bons pour la santé, la planète et les sociétés. Ces 10 dernières années, on observe dans de nombreux pays une augmentation du nombre d’enfants de moins de 5 ans en surpoids. Cette tendance laisse présager de réelles conséquences en termes de maladie. Dans un même pays, on retrouve souvent les trois visages de la malnutrition : une partie de la population ne mange pas à sa faim, une autre consomme trop de calories, tandis qu’un troisième groupe souffre de carences en vitamines et minéraux essentiels. C’est ce qu’on appelle le triple fardeau de la malnutrition.
Le Gret entend stabiliser des méthodologies et des outils éprouvés depuis de nombreuses années dans le cadre de ses projets afin qu’ils puissent être intégrés durablement dans les stratégies de ses partenaires locaux et des institutions. C’est le cas de l’approche LANN (Linking Agriculture, Natural Resource Management and Nutrition) qui vise à renforcer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages en mobilisant les ressources agricoles et naturelles locales, tout en sensibilisant les communautés aux liens entre alimentation, pratiques agricoles et nutrition.
Favoriser l’action et l’autonomie
L’efficacité des actions repose sur l’expertise et l’engagement des femmes et des hommes qui les portent. C’est pourquoi, il est important de mettre un accent particulier sur le renforcement des compétences des partenaires locaux qui collabore avec le programme. Comment ? Par des formations ciblées, appuyées par des outils et méthodes pédagogiques adaptés, sur les systèmes alimentaires durables, la nutrition et les stratégies d’intervention. L’objectif : renforcer les capacités d’action et d’innovation des équipes impliquées. Elles pourront ainsi mieux transmettre leur savoir-faire aux populations concernées et garantir la pérennité des initiatives mises en place.
« La collaboration avec le Gret a permis le développement d’une stratégie nutrition de notre fédération », explique Mamadou Malal Taran Diallo de la Fédération des Paysans du Fouta Djallon en Guinée. « Les parcelles maraîchères, la création d’un réseau d’animateurs locaux et la sensibilisations aux bonnes pratiques nutritionnelles et d’hygiène ont déjà touché près de 12 000 personnes. Asanao 3 consolidera ces acquis et la capacité de la fédération à cultiver cette compétence nutrition auprès d’une population encore plus large ».
Influencer les politiques publiques pour une transition alimentaire durable
Parallèlement, les équipes vont accroitre leur participation aux débats publics du local à l’international, comme au Sénégal au sein du Groupe multisectoriel de l’alimentation et de la nutrition à l’École, en associant les élu·e·s, les organisations paysannes et les services de l’Etat, afin de promouvoir un environnement alimentaire plus favorable à la nutrition. Car si l’action locale est essentielle, elle ne peut produire un changement systémique sans un engagement institutionnel fort. Avec le programme Asanao, le Gret et ses partenaires entendent donc jouer un rôle actif dans l’évolution des politiques alimentaires et agricoles pour qu’elles prennent mieux en compte la nutrition et façonnent des environnements alimentaires qui y soient favorables sur la durée. L’enjeu est d’inscrire les principes des systèmes alimentaires sains et durables dans les stratégies gouvernementales et de mobiliser un plus grand nombre d’acteurs et d’actrices autour de cette vision.
« En développant des argumentaires basés sur des retours d’expérience concrets et en les défendant au sein d’espaces de décision du local à l’international via notamment le mouvement SUN ou en investissant les sommets Nutrition for Growth, Asanao contribue au débat public afin de construire un environnement favorable à la nutrition », conclut Adrien Trouvadis, responsable du programme.
À la croisée de l’action locale et des contributions aux politiques publiques, ce programme s’impose comme un levier incontournable pour faire évoluer les systèmes alimentaires vers plus de durabilité et de justice nutritionnelle, en articulant les dimensions agricoles, environnementales, sociales et sanitaires.
Pour en savoir plus :
- Asanao 3 – Contribuer à la transition vers des systèmes alimentaires durables et favorables à la nutrition
- Vous pouvez retrouver l’ensemble des notes édités dans le cadre du programme Asanao des phases précédente ici et ici
[1] Aussi appelées « maladies chroniques », les maladies non transmissibles (ou MNT) sont des maladies de longue durée qui, en général, évoluent lentement. Les principales MNT sont les maladies cardiovasculaires, les cancers, les maladies respiratoires chroniques et le diabète.