C’est peu dire que la vie semble parfois injuste. Notre collègue Emmanuèle Dufour a été emportée par un cancer le samedi 11 février, contre lequel elle luttait depuis 9 mois. Elle venait à peine de prendre sa retraite et se faisait une joie d’entamer cette nouvelle période de sa vie pour y cultiver son jardin, au sens propre comme au sens figuré, en bonne voltairienne qu’elle était.
Emmanuèle Dufour était une des plus anciennes du Gret où elle était entrée en 1986. Elle fut d’abord assistante du programme Solidarité-eau pendant 10 ans. Quand le Gret décida en 1997 de créer un véritable service de gestion, afin de centraliser les fonctions financières et administratives pour mieux les professionnaliser, elle postula et rejoint l’aventure de cette professionnalisation.
Même si Emmanuèle n’avait pas stricto sensu une formation en gestion, elle incarna progressivement la fonction de gestionnaire au Gret, en charge du suivi budgétaire des projets, du respect des obligations contractuelles du Gret et de la production des rapports financiers auprès des bailleurs. Sa rigueur, son souci du travail bien fait, son exigence envers elle-même a permis au Gret d’être reconnu comme une institution sérieuse, capable de rendre compte au centime près des fonds publics qu’il gérait. Elle était à sa tâche avec la minutie et le même goût du travail bien fait que celui de l’artisanat, appris durant son CAP d’ébénisterie qu’elle avait obtenu et qu’elle pratiquait durant ses loisirs. Cent fois sur le métier elle était capable, en artisan méticuleux, de remettre son ouvrage.
Le Gret grossissant et se décentralisant de plus en plus à travers ses représentations dans nos pays d’intervention, le rôle d’Emmanuèle évolua. Elle qui craignait au départ de n’être pas légitime à former les autres, en vint à partir en mission pour transmettre son savoir-faire et accompagner les services financiers de nos représentations. Et cette nouvelle fonction la ravit, donnant pour elle tout son sens à l’esprit de solidarité internationale qui la motivait. C’est en Afrique francophone qu’Emmanuèle intervint, au Burkina Faso, au Sénégal, en Guinée, au Congo et dans d’autres pays. Et c’est avec ces missions qu’elle s’épanouissait totalement, ne se contentant pas de former les équipes locales mais y nouant aussi et surtout des relations d’amitié durable.
Emmanuèle Dufour a enfin été de toutes les réformes de gestion interne au Gret, contribuant à en améliorer l’organisation et les outils, et s’y investissant dans le souci de l’intérêt collectif. En la matière, la maîtrise de son métier et son bon sens se révélèrent d’une grande utilité. Elle accompagna aussi de ses conseils et de son appui tous les jeunes chargés de gestion qui furent embauchés à la direction financière.
Pour ceux qui l’ont bien connue, elle était d’une ironie mordante qui ne réussissait pas à masquer sa grande sensibilité, un humour ravageur qui n’entravait en rien sa sympathie et son goût pour autrui, une dureté parfois qui n’était d’abord que l’expression de son exigence envers elle-même. Elle était aussi d’une grande culture, grande lectrice et surtout une accordéoniste émérite, instrument qu’elle pratiquait assidument. On pouvait régulièrement la croiser le midi, harnachée de son piano à bretelles, y répétant ses gammes et des classiques de la chanson française, dont elle avait une connaissance encyclopédique.
C’est vers Annick sa compagne et toute sa famille que nos pensées sont tournées. Le Gret s’associe à leur peine et à la préservation émue de son souvenir.
