30 janvier 2023
Systèmes alimentaires Biodiversité Guinée

En Guinée forestière, une société civile structurée pour protéger l’environnement

Route de Lola à Nnzerekoré, Guinée forestière

La Guinée forestière compte un patrimoine naturel très riche et varié. Cette région, située dans le sud-est de la Guinée, abrite la réserve de biosphère de Ziama – la plus grande forêt primaire du pays – et la réserve naturelle du Mont Nimba, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. La région fait cependant l’objet de convoitises économiques qui mettent en péril son équilibre. Les activités d’exploitation minière, forestière et agricole lèsent la biodiversité et réduisent le couvert végétal. La déforestation est notamment causée par la coupe intensive de bois, la carbonisation[1] et la récurrence de feux de brousse ; tandis que l’utilisation de produits phytosanitaires en agriculture a des conséquences sur la pollution des sols et des cours d’eau. Pour lutter contre la dégradation de l’environnement, la société civile s’est peu à peu structurée – avec l’appui du Gret, dans le cadre du projet Saveur[2] clôturé en janvier 2023.

L’objectif du projet Saveur était de renforcer la capacité d’action des organisations de la société civile mobilisées pour sensibiliser les habitants aux enjeux environnementaux et mettre en place des pratiques adaptées. Il cherchait en particulier à améliorer le dialogue entre les acteurs de la société civile, les pouvoirs publics et les acteurs privés. Mais aussi à renforcer les capacités internes de gestion de la société civile (administrative, organisationnelle, financière), de gouvernance (fonctionnement des instances, leadership, conflits d’intérêts), ainsi que leurs capacités techniques (compétences et expertise).  La mise en place d’un fonds d’appui a par ailleurs permis de financer les initiatives d’une trentaine d’organisations.

Zoom sur quatre organisations soutenues par le Gret qui agissent au quotidien et à l’échelle locale pour préserver l’environnement.

Un travail allant de la sensibilisation à la proposition d’alternatives

Le premier axe de travail de ces organisations est la formation et la sensibilisation.  « Les défis sont immenses. Les êtres humains sont à la base de la destruction de la faune et de la flore. C’est une conséquence de la méconnaissance des enjeux liés à l’environnement », affirme Joseph Haba, président d’ADAC Guinée (Association pour le développement agricole et communautaire). Comprendre les conséquences du braconnage, de l’agriculture intensive ou encore de l’utilisation des produits phytosanitaires, est ainsi perçu comme un passage obligé pour mener, selon Joseph Haba, une « vie respectueuse de la nature ».

Des membres de l’association ADAC Guinée, à Sérédou, préfecture de Macenta.

Les organisations mènent des activités de sensibilisation au niveau local, principalement auprès des jeunes et des femmes, considérés comme des populations clés pour la protection environnementale en Guinée forestière. Les jeunes de l’association AJER (Association des jeunes étudiants pour le reboisement) ont par exemple organisé une journée d’éducation environnementale dans la préfecture de Lola.

Membres AJER, protection de l'environnement et reboisement devant un plan de teck, Lola, Guinée
Des jeunes de l’association AJER (Association des Jeunes Etudiants pour le Reboisement) à Lola

L’ANAD Guinée (Alliance nationale des acteurs de développement) organise quant à elle des ateliers au sein des établissements scolaires et invite les écolier·ère·s à diffuser les bonnes pratiques dans leur foyer. Les enfants du village de Massadou ont, par exemple, planté des haies vives autour de leur école : une activité de reboisement à l’image de celles menées à plus grande échelle pour des essences locales résistantes à la sécheresse (teck) et des plans de cacao, de café et de palmiers nains.

Ecoliers près d’une plantation, projet SAVEUR; Guinée forestière

Au-delà de la sensibilisation, les organisations soutenues par le projet Saveur proposent des alternatives économiques au travail de carbonisation, en grande majorité effectué par les femmes. Le maraîchage est ainsi promu en tant qu’activité génératrice de revenu. Le directeur exécutif de AMODEL Guinée (Association le monde de développement local) se réjouit : depuis le début du projet, certaines pratiques ont été abandonnées dans des communautés de Macenta, comme par exemple la coupe non réglementée de bois et l’utilisation de pesticides.

Des organisations outillées pour développer leurs activités

Selon le président d’ANAD Guinée, le projet Saveur a permis de consolider son organisation : « Grâce aux activités du projet, nous avons renforcé nos compétences internes, notamment nos outils de gestion et de planification budgétaire. Récemment, nous avons même obtenu un agrément régional et une reconnaissance de la part de l’Etat guinéen ». Un constat partagé par les jeunes d’AJER, qui utilisent désormais des documents administratifs et comptables pour le suivi de leurs activités de reboisement. 

Mamadi Camara et Lamine Nabé, salariés du Gret visitant un espace de reboisement à Macenta avec ANAD Guinée (Alliance nationale des acteurs de développement)
Un Bilan Positif

Afin de dresser le bilan de Saveur, l’équipe du projet a organisé une série d’ateliers dont le dernier s’est tenu en décembre 2022. Ces ateliers ont réuni des représentant·e·s de la société civile, des autorités administratives et services techniques de l’État, des cadres de concertation, des élus locaux et des acteurs du secteur privé.

Il en est ressorti que l’accompagnement des organisations de la société civile avait amélioré leur gouvernance, leurs modes d’interventions et leur expertise technique.
Les concertations pluri-acteurs (collaborations entre les organisations de la société civile et les services techniques sectoriels de l’agriculture, l’élevage et de l’environnement) se sont dynamisées grâce à l’engouement suscité par les échanges entre les parties prenantes autour des problématiques environnementales. Enfin, le bilan a permis de constater que, grâce à des actions de mobilisation sociale, de communication et de plaidoyer, les organisations de la société civile ont effectivement influé sur les politiques environnementales à l’échelle territoriale.

« C’est un projet qui a impliqué beaucoup d’acteurs : l’Etat, la société civile et les acteurs privés. Avec un but commun, celui de réduire les impacts négatifs sur l’environnement. Nous sommes fiers de ce projet et de voir les efforts conjoints qui ont été engagés. » Jean 14 Koivogui, représentant du Gret en Guinée et chef du projet Saveur.

Ce projet a été financé par l‘Union européenne et l’Agence française de développement

(AFD). Le contenu de cet article relève de la seule responsabilité du Gret et ne peut aucunement être considéré comme reflétant le point de vue de son partenaire financier.


[1] Transformation du bois en charbon

[2] « Société civile en appui aux Acteurs Vulnérables et à l’Environnement dans les communautés Urbaines et Rurales de la Guinée Forestière » (Saveur GF)

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