Au nord est de Madagascar, dans la forêt dense ou les eaux turquoises de l’île de Sainte-Marie, traiter des enjeux écologiques n’est pas uniquement l’affaire des experts, c’est aussi celle des femmes et des hommes qui y vivent au quotidien et dont la voix a permis de poser les bases d’une aire protégée marine et terrestre de 265 000 hectares. Ici, la protection de la biodiversité prend un autre visage.
Si les pratiques coutumières jouent encore un rôle essentiel dans la préservation des ressources naturelles de l’île, elles ne suffisent plus, à elles seules, à freiner leur dégradation. « Conscients des pressions croissantes sur les écosystèmes, les habitants ont eux-mêmes exprimé le besoin de créer une aire protégée », explique Francko, président de l’association PCADDISM, qui regroupe les habitant·e·s de Sainte-Marie.
C’est dans cette optique qu’est né le projet Tsarakobaby, mené par le Gret en collaboration étroite avec PCADDISM. Le Gret accompagne la population locale dans la création de cette aire protégée à travers la mise en place des structures règlementaires conciliant conservation des écosystèmes, respect des traditions locales et réponses aux besoins économiques des populations. Sur cette île où la pêche, l’agriculture et le tourisme constituent les principales sources de revenus des habitant·e·s, l’enjeu est de taille.
Impliquer les communautés dans la gestion de l’aire protégée
Le projet repose sur un principe fondamental : la mobilisation citoyenne. Des consultations publiques se sont enchainées dans les 17 fokontany[1] et les différents acteurs de développement de Sainte-Marie pour permettre à chacun d’exprimer sa vision de l’environnement et de participer à l’élaboration de règles de gestion partagées de l’aire protégée.
« Grâce aux consultations publiques, nous avons pu établir un schéma global d’aménagement qui a permis de définir les zones de conservation et les zones de développement de Sainte-Marie », explique Mahandrizo Rakotovao, chef de projet au Gret.
Protéger la nature tout en améliorant les conditions de vie
Pour que la conservation bénéficie réellement aux populations, le projet appuie aussi des activités de développement durable. Plus de 200 ménages ont bénéficié de formation à l’agroécologie, l’introduction de cultures de rente et fourniture d’intrants agricoles. « J’ai choisi de devenir pépiniériste parce que cela me permet de subvenir à mes besoins tout en participant à la restauration des forêts », témoigne Kintsy, accompagné dans le cadre du projet. Des structures locales de gestion tels comme la Vondron’Olona Ifotony[2] de St Joseph ont aussi été appuyées pour la restauration des mangroves. Aujourd’hui, près de trois hectares de mangroves ont été restaurés. Le projet encourage également le développement d’un écotourisme responsable dans les zones rurales. L’objectif : permettre aux communautés locales de bénéficier directement des retombées économiques du tourisme tout en valorisant leur patrimoine naturel.
Alors que se tient actuellement à Nice, la troisième Conférence des Nations unies sur l’Océan, ce bel exemple de gouvernance partagée pourrait bien inspirer une nouvelle manière de faire pour protéger durablement nos écosystèmes marins.
Signature d’un financement pour le projet Tsarakobaby II
À l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement, célébrée à Sainte-Marie sous l’égide du ministère de l’Environnement, le Gret, la Fondation pour les Aires Protégées et la Biodiversité de Madagascar (FAPBM) et le programme GEF6-AMPs ont signé une convention de financement pour le projet Tsarakobaby. Ce soutien financier s’inscrit dans la dynamique nationale d’extension et de renforcement des Aires Marines Protégées (AMP) portée par le programme GEF6-AMP à Madagascar. La prochaine étape cruciale de ce processus sera la validation du statut de mise sous protection temporaire du site, attendu dans le courant de ce mois de juin.
[1] Division administrative malgache
[2] Vondron’Olona Ifotony ou communauté de base : il s’agit d’une association composée de personnes volontaires vivant dans une zone riche en ressources naturelles. Reconnue par l’Etat malgache, son rôle est de préserver, gérer les ressources naturelles sur un territoire déterminé.