10 octobre 2023
Nutrition et santé Agroécologie Sécurité alimentaire Madagascar

Agriculture urbaine : mieux nourrir la ville

Actualité

À Madagascar, le niveau de sécurité alimentaire et nutritionnel en milieu urbain est très préoccupant : 35,5% des enfants de moins de cinq ans souffrent d’un retard de croissance – un taux supérieur au seuil acceptable de 30% de l’OMS – et 26,4% des femmes en âge de procréer sont anémiées[1]. La capitale, Antananarivo, connaît depuis quelques années une forte pression démographique et accueille à elle seule un quart de la population urbaine du pays, soit plus de 1,2 millions d’habitant∙e∙s. Cette pression soulève d’importants enjeux fonciers, environnementaux mais aussi alimentaires. En effet, l’urbanisation rapide réduit l’espace agricole exploitable et diminue la capacité d’approvisionnement alimentaire de la ville.

Depuis 2022, le Gret déploie une stratégie pour le développement de l’agriculture urbaine dans le cadre du projet Aintsoa, financé par l’Agence française de développement. Menée en étroite collaboration avec la commune urbaine d’Antananarivo, cette stratégie « sensible au genre » bénéficie à 800 ménages en situation de vulnérabilité économique et s’adresse en priorité aux femmes.

Valoriser l’espace disponible pour produire des aliments riches en nutriments

Quelques mètres carrés et des dispositifs agricoles adaptés suffisent : cour, balcon, terrasse, mur et toiture sont exploités. En zones inondables, des dispositifs hors-sols, le plus souvent verticaux sont utilisés. Pour obtenir le maximum de récoltes dans l’année, la production des légumes à cycle court est privilégiée. Il s’agit principalement de légumes feuilles telles que les pé-tsaï, les brèdes mafanes, ou d’herbes aromatiques. Mais d’autres légumes, fruits, légumineuses et tubercules sont également produits. Ils contribuent à répondre aux besoins alimentaires des familles, en apportant protéines et micronutriments.

Bakoly RALAIARISOA pratique l’agriculture grâce à l’appui du Gret depuis neuf mois :

« Auparavant, quand je n’avais pas les moyens d’acheter des légumes, nous mangions du riz sans accompagnement. Grâce au potager, nous utilisons maintenant les récoltes telles que les brèdes et les haricots pour diversifier nos repas. Je peux même acheter un peu de viande avec l’argent que je mets de côté », nous confie-t-elle.

Bakoly RALAIARISOA dans son potager.

Contribuer à la transition agroécologique de la ville

L’agriculture urbaine met en valeur les déchets urbains disponibles localement. Les ordures ménagères sont transformées en compost pour être réintroduites dans les potagers comme fertilisants organiques et les déchets non biodégradables sont convertis en contenants agricoles.

Cette forme d’agriculture est très bénéfique pour l’environnement. Il s’agit en effet d’une production en circuit court : du potager à l’assiette. Elle permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre liés au transport et au compostage des déchets organiques et de consommer des produits très frais. Elle contribue également à la végétalisation de l’espace urbain.

Déployer une stratégie pérenne

Pour promouvoir un mode de production urbaine plus agroécologique, les actions de sensibilisation, de formation et d’accompagnement des ménages sont couplées à une approche scolaire pour initier les enfants à l’agriculture urbaine. Avec l’aide de leurs enseignant∙e∙s, les élèves participent à la mise en place et à l’entretien de potagers dans une école.

Six mois après son installation, le potager de l’école primaire publique de Manjakaray a produit 120 kg de légumes et de fruits qui ont servi de base à la préparation de près de 1000 repas au niveau de la cantine scolaire.

Convaincue des avantages des potagers scolaires, Francette RAVOLOLONIRINA, directrice de l’école témoigne :

« J’ai remarqué que les élèves étaient plus motivé∙e∙s pour venir à l’école car ils apprécient les activités proposées au potager, surtout l’arrosage. Certains ont même initié leurs parents à l’agriculture urbaine chez eux à partir de boites de conserve et de bouteilles en plastique. Je pense que, plus tard, ces acquis leur permettront d’atteindre une certaine autonomie alimentaire et les aideront à réduire leurs dépenses. »

Par ailleurs, toujours dans un souci de pérennisation de l’activité, certaines femmes formées et accompagnées dans le développement de l’agriculture urbaine au sein de leurs ménages forment désormais un réseau de « femmes relais de l’agriculture urbaine ». Convaincues par ces innovations, elles s’engagent à sensibiliser et à diffuser les techniques auprès des ménages de leur quartier, tout en assurant le suivi et en prodiguant des conseils.

Le défi de la gestion de l’eau

Faire de l’agriculture urbaine présente de nombreux avantages mais il existe néanmoins des contraintes comme la gestion de l’eau en hiver, quand les étangs s’assèchent. Des inquiétudes sur la qualité sanitaire de cette eau persistent également. Pendant l’hiver, les familles doivent ainsi acheter de l’eau des réseaux. Nettement moins écologique, cette obligation représente aussi un coût important pour les ménages. Pour y faire face, des solutions innovantes sont en cours d’expérimentation. Parmi elles, l’élaboration d’un dispositif de goutte-à-goutte économique et adapté aux différents contenants agricoles ainsi que le recours au « mulch » (ou paillis) urbain issu de déchets locaux, permettant de maintenir l’humidité des sols. Un dispositif de récupération d’eau de pluie sera également testé au niveau d’un jardin communautaire ou d’une école.

Le projet Aintsoa, financé par l’AFD et mis en œuvre par le Gret et l’entreprise sociale malgache Nutri’zaza, est un projet de lutte contre la malnutrition et les inégalités sanitaires, sociales et de genre en milieu urbain. En août 2023, le Gret a convié ses partenaires à un atelier de partage des résultats de son diagnostic de l’agriculture urbaine à Antananarivo et présenté sa stratégie d’intervention sur le sujet. La communauté urbaine d’Antananarivo est partenaire de mise en œuvre des activités d’agriculture urbaine.


[1] Source : cinquième Enquête Démographique et de Santé à Madagascar (EDSMD-V) réalisée en 2021 par l’INSTAT en collaboration avec le Ministère de la Santé Publique (MINSANP).

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