À Madagascar, seule 11% de la population rurale a accès à l’électricité[1]. Ce faible taux a des conséquences importantes sur la santé, l’éducation et les conditions de travail et de vie des populations. C’est dans ce contexte que le Gret, avec le soutien de l’Agence française de développement, de la fondation Artelia et d’EKOenergy, a lancé un projet d’électrification solaire dans le village de Sahanimira (situé dans la région de Haute Matsiatra, au centre du pays) où les habitant∙e∙s dépendaient auparavant de lampes à pétrole, de bougies et de groupes électrogènes coûteux. L’implication directe de la population dans la gestion des nouveaux services énergétiques constitue l’un des facteurs de réussite de ce projet qui pourra être répliqué dans d’autres communes rurales du pays.
Au cœur du projet, une « Maison de l’énergie » éco-construite
La « Maison de l’énergie » (ou « Vonjy Aratra », en malgache), un nom choisi par les habitant∙e∙s, est au cœur du projet d’électrification solaire de Sahanimira. Construite avec des matériaux locaux par une main-d’œuvre locale formée sur place, en intégrant des techniques durables à faibles émissions, ce bâtiment fournit désormais de l’électricité aux structures publiques du village, raccordées grâce à des câbles aériens. Il rend aussi des services énergétiques à des prix accessibles aux habitant∙e∙s du village : location de lampes rechargeables, charge de téléphone, réfrigération, poste de soudure pour réparer les outils agricoles, etc. La gestion, les services et les tarifs ont été définis collectivement, avec l’appui du Gret.
Une amélioration concrète des conditions de vie de la population
Pour la population de Sahanimira, le passage à une nouvelle source d’énergie présente des bénéfices pour la santé. « Avant, à la maison, nous utilisions des lampes à pétrole. L’odeur nous rendait malades. Maintenant, je trouve que même la santé s’améliore », témoigne Ralaiarivao, un habitant du village.
Outre l’amélioration de la qualité de l’air dans les maisons grâce à l’usage de lampes solaires, la Maison de l’énergie fournit de l’électricité au centre de santé du village et facilite l’accès aux soins, de jour comme de nuit. « L’électricité nous aide beaucoup, notamment pour les accouchements de nuit », nous confie Hasina, adjoint au chef du centre de santé. Le centre accueille chaque jour une centaine de personnes venues de Sahanimira, mais aussi des communes environnantes.
Parmi les établissements publics qui bénéficient d’un accès à l’électricité, figurent le collège et l’école primaire qui comptent plus de 1 400 élèves. « Les changements sont évidents. En ce qui concerne les besoins des écoles, nous pouvons maintenant imprimer les sujets et les bulletins sur place », souligne M. Hery, enseignant à l’école primaire de Sahanimira. De nombreux parents constatent une nette amélioration du temps d’étude de leurs enfants qui peuvent désormais réviser le soir grâce aux lampes solaires.
La Maison de l’énergie permet également de réduire les dépenses quotidiennes des ménages. Koto, une mère de famille, en témoigne : « Avant, nous dépensions 800 ariary par jour (environ 16 centimes d’euros) pour l’achat des bougies que nous utilisions la nuit. Aujourd’hui, nous ne payons plus que 200 ariary par jour pour recharger nos lampes ». Au total, il a été estimé que la réduction des dépenses était supérieure à 20 %.
Des activités économiques redynamisées
La Maison de l’énergie a aussi pour objectif de dynamiser les activités économiques du territoire, telles que la soudure, la menuiserie, la mécanique, le meulage, la coiffure, la couture, la transformation de produits artisanaux, ou encore le décorticage du riz. Ses services profitent ainsi aux agriculteurs et agricultrices : « Nous pouvons désormais faire réparer nos bêches et nos outils à Sahanimira même, grâce au poste à soudure, sans avoir à nous déplacer dans des villages éloignés », se réjouit Joseph Ralaova, agriculteur. Par ailleurs, l’accès à la réfrigération facilite la transformation et la conservation des aliments, notamment pour la production de yaourts et de glaces.
Une implication active de la population dans la gouvernance du service
Pour favoriser la pérennité du service, le projet a adopté une approche inspirée de la notion de communs. Cette approche repose sur l’intégration de toutes les parties prenantes à chaque étape du projet : la population (femmes, hommes, jeunes), les autorités et les organisations paysannes (associations, groupements). Des réunions publiques et des activités pédagogiques ont ainsi été organisées pour identifier les besoins des habitant∙e∙s, choisir l’emplacement de la Maison de l’énergie, définir les services prioritaires, fixer les tarifs et établir un modèle de gouvernance. Un comité représentatif composé notamment de femmes, de jeunes et des autorités locales a été mis en place pour participer à toutes les prises de décision. Un gestionnaire de la Maison de l’énergie a été désigné de manière collective et formé ensuite par le Gret et ses partenaires.
Le projet en chiffres :
- 2400 personnes bénéficient de l’éclairage public
- 300 ménages utilisent les services de la Maison de l’énergie
- 4 établissements publics sont raccordés à l’électricité
- 80 à 100 personnes se rendent chaque jour au centre de santé nouvellement raccordé
- 451 élèves du collège et les 1014 élèves de l’école primaire bénéficient de l’électricité dans leur bâtiment.
- 2 microentreprises bénéficient du réfrigérateur de la Maison de l’énergie
- 12 maçons ont été formés à l’écoconstruction
[1] Banque mondiale – Estimation à fin 2022