A l’occasion de la sortie de l’étude « Quelles politiques commerciales pour la promotion du lait local en Afrique de l’Ouest ? »*, deux des trois auteurs du document, Laurent Levard et Cécile Broutin, agroéconomistes au Gret, répondent à nos questions sur les enjeux et le développement de la filière lait en Afrique de l’Ouest.
Quels sont actuellement les enjeux auxquels doit faire face la filière lait en Afrique de l’Ouest ?
Cécile Broutin : La production et la commercialisation de lait en Afrique de l’Ouest font partie intégrante de l’économie et du mode de vie des familles d’éleveurs ruraux. La filière présente des potentiels de croissance certains avec un cheptel important, un secteur de la transformation dynamique et des débouchés en forte augmentation du fait de la croissance démographique et de l’urbanisation. Cette filière lait local produit environ la moitié du lait consommé dans la région, que ce soit sous forme de lait liquide ou de produits transformés. Elle est cependant aux prises avec de nombreuses difficultés internes qui limitent fortement son développement :
- la faible productivité laitière des élevages, du fait notamment de leur orientation « viande » et des difficultés à alimenter correctement le bétail toute l’année ;
- le développement insuffisant des industries de transformation et des filières lait local ;
- la concurrence des importations de poudre de lait, et notamment de poudre de lait ré-engraissée avec des matières grasses végétales.
La dépendance de la région vis-à-vis des importations pourrait se détériorer à l’avenir, dans un contexte de croissance des besoins de consommation et de faible protection du marché régional.
En quoi cette étude peut-elle être utile pour les différents acteurs de la filière lait ?
Laurent Levard : Cette étude a été commandée par le Comité français pour la solidarité internationale (CFSI) et a également été co-pilotée par trois organisations régionales d’éleveurs et d’agriculteurs (le Réseau Billital Maroobé – RBM, l’Association pour la promotion de l’élevage au Sahel et en savane – Apess et le Réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest – ROPPA), ainsi que par l’association Ingénieurs sans frontières. Cette étude permet aux différents acteurs de disposer d’une analyse systématique de la situation et des difficultés à chaque étape de la filière. De plus, elle met en avant et analyse un certain nombre de suggestions en matière de politiques publiques, qui peuvent être utilisées dans le cadre d’actions de plaidoyer.
Quelles sont les principales recommandations qui ressortent de cette étude ?
Laurent Levard : Pour aider la filière lait local à se développer en Afrique de l’Ouest, les politiques publiques doivent agir parallèlement sur différents facteurs : appuyer la structuration de la filière et la concertation entre les acteurs, leur apporter un soutien technique et financier, agir sur la qualité et la promotion des produits issus de la filière lait local, et améliorer la compétitivité-prix des produits de la filière lait local face aux importations, en combinant de façon adéquate des mesures de protection commerciale et des mesures fiscales.
* Cette étude a été rédigée par Cécile Broutin, Laurent Levard et Marie-Christine Goudiaby, avec le soutien financier de l’Agence française de développement (AFD) et la fondation Open Society Initiative for West Africa (OSIWA).