02 avril 2019
Gouvernance foncière Foncier Myanmar

Une loi foncière controversée au Myanmar

Actualité

Le 10 mars dernier, une conférence de presse était organisée à Yangon, au Myanmar, par plusieurs organisations de la société civile et des ONG. Cet événement visait à informer le débat public et à avertir des conséquences graves engendrées par l’amendement d’une loi foncière très controversée qui pourrait priver des milliers de paysans de leurs terres.

Cette coalition d’organisations, dont fait partie le Gret et le MRLG (un projet régional porté par le Gret et Land Equity International dans quatre pays du Mekong), s’est soulevée contre cet amendement voté en septembre 2018 et qui définit certaines terres comme « vacantes ». Le gouvernement prévoit en effet de s’accaparer les terres des paysans qui n’ont pas déclaré leur droit d’usage aux autorités dans les six mois. Hormis la confiscation de leurs terres, ces paysans risquent également une amende et une peine de prison.

Alors que les terres « vacantes » représenteraient un tiers de l’ensemble du territoire, la coalition d’organisations a interpellé le gouvernement dès le mois de novembre par une lettre d’opinion sur l’impossible mise en œuvre d’une telle loi. Les ONG s’alertent sur l’injustice d’un tel amendement, en pointant du doigt notamment la faiblesse de l’administration locale, le manque d’informations données aux paysans sur cette procédure, ainsi que le délai trop court prévu.

La coalition s’inquiète également du risque de conflits fonciers que la situation pourrait entraîner. En effet, une grande partie de ces terres dites « vacantes » recouvre les hautes terres où vivent les ethnies minoritaires et où l’administration étatique est peu présente et peu encline à reconnaître les règles coutumières de ces minorités ethniques. Il n’existe d’ailleurs pas de mécanisme pour reconnaître et protéger officiellement les terres régies par des règles coutumières. Nombre d’organisations de la société civile, notamment celles issues des minorités ethniques du pays, contestent cette loi, clamant qu’il n’y a pas de terres « vacantes » dans leurs régions. De plus, dans de nombreuses régions, des décennies de conflits ont fait de nombreux déplacés qui n’ont plus accès à leurs terres et sont donc dans l’impossibilité de réclamer leur droit.

Bien que le gouvernement se soit engagé ces dernières années en faveur d’une réduction des conflits fonciers et de l’avancement du processus de paix national, cette loi risque de promouvoir l’effet inverse. Alors que le 11 mars marque la fin de la période des six mois, peu de permis ont effectivement été demandés et les paysans se voient déjà poursuivis en justice. Les craintes initiales portées par la coalition tendent donc à se confirmer.

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