14 décembre 2022
Services essentiels locaux Energie Colombie

Colombie : mesurer l’impact des projets d’électrification rurale

Actualité

Alors qu’en Colombie environ 500 000 logements ne disposent pas d’accès à l’électricité, le gouvernement colombien s’est engagé depuis plus de 20 ans à équiper les ménages en solutions photovoltaïques à travers des projets d’électrification solaire. Soutenu par l’Agence française de développement (AFD), le gouvernement a mandaté le Gret et ses partenaires Energía Sin Fronteras et Valoración Económica Ambiental pour évaluer l’impact de ces projets avec un focus particulier sur le genre, et formuler des recommandations sur la politique énergétique nationale. L’évaluation s’est déroulée de mars à octobre 2022.

L’objectif était de mesurer l’impact de ces solutions photovoltaïques sur les ménages, les services publics (et notamment les centres de santé et d’éducation) ainsi que sur les activités économiques. Une attention particulière a été accordée aux impacts différenciés sur les hommes et les femmes. Les équipes se sont aussi attachées à évaluer le dimensionnement de ces solutions et à déterminer si la tarification du service était adéquate. L’évaluation a porté sur 14 projets, répartis dans 8 communes (municipios) aux contextes géographiques, socio-économiques et culturels différents.

Des changements observés pour les ménages, mais pas d’impact sur les inégalités femmes-hommes

L’accès à l’électricité tend à changer les habitudes quotidiennes, principalement grâce à l’amélioration des conditions d’éclairage. Mais il n’a pas d’impact sur les inégalités entre les sexes, notamment dans la répartition des tâches ménagères et la prise de décision au sein des foyers. L’accès à l’électricité modifie la perception de la sécurité, de la paix et de la cohésion sociale des ménages par rapport à l’environnement social extérieur. Les solutions photovoltaïques contribuent à la transition énergétique de manière directe lorsqu’elles remplacent les systèmes de production diesel préexistants (dans certains cas) et les solutions traditionnelles (bougies) dans la grande majorité des cas.

Des solutions insuffisantes pour améliorer la qualité des services publics

Les solutions photovoltaïques proposées n’ont pas permis d’améliorer la qualité des services publics. En effet, les solutions ne sont pas assez puissantes et ne sont pas couplées avec d’autres services tels que l’amélioration des services éducatifs ou de santé, l’assainissement, les repas et la nutrition, l’éclairage public, l’investissement pour de meilleurs équipements, etc. Cela est dû au fait que les solutions photovoltaïques dans le cadre des projets s’adressent d’abord aux ménages.

La création de nouvelles dynamiques économiques

L’électrification peut créer de nouvelles activités génératrices de revenus et d’emplois, principalement informelles et exercées par des femmes. Elle a créé de nouvelles dynamiques et attentes au sein de la localité et dans les localités voisines au niveau économique. En revanche, l’électricité n’a pas d’influence sur la réduction des activités illicites, sauf lorsqu’elle sert à substituer la consommation de produits pétroliers, comme le gazole et, par conséquent, affaiblit la chaîne de contrebande associée à ce marché.

Un modèle globalement bien accueilli, mais une réponse partielle aux besoins des utilisateur∙rice∙s

Le modèle de solution adopté est généralement bien accueilli, mais répond partiellement aux besoins de la majorité des utilisateur∙rice∙s, car il ne tient pas compte des besoins spécifiques de certains groupes de population ou les discrimine. Les prix et les modalités de paiement ne sont pas appropriés pour les utilisateur∙rice∙s. Par ailleurs, l’accompagnement initial et le suivi après le projet ne permettent qu’une appropriation partielle des installations et l’atténuation des risques d’incidences négatives des solutions photovoltaïques sur l’environnement est insuffisante.

De façon transversale sur le genre, l’équipe d’évaluation a constaté que l’électrification seule ne suffisait pas à transformer les rapports de genre et qu’il était nécessaire de réaliser un diagnostic initial pour prendre en compte les usages spécifiques de l’électricité par les femmes et leur rôle dans l’électrification. Elle insiste également sur la nécessité de se doter d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs pour suivre la réduction d’inégalités entre les sexes et de former les personnes recrutées dans les organisations et institutions du secteur de l’énergie.

Les résultats de l’évaluation ont permis de construire, avec les organismes étatiques en charge des questions énergétiques et l’AFD, des recommandations sur la politique énergétique du pays. « À travers cette évaluation, nous accompagnons une transition énergétique juste en Colombie, en renforçant les capacités du ministère des Mines et de l’Énergie et de l’Institut de planification et de promotion des solutions photovoltaïques dans la réduction de la pauvreté énergétique et la prise en compte des besoins spécifiques de chacun et chacune », indique ainsi Paula Barrios, responsable des projets de développement social et d’égalité des sexes à l’AFD de Bogotá.

Lire aussi